Leucémie : en expliquant les rechutes, la recherche avance

Le Pr Christian Récher (service d’hématologie Oncopole) et le Dr Jean-Emmanuel Sarry (CRCT) étudient la résistance thérapeutique dans les leucémies aiguës myéloïdes./Photo DDM Nathalie Saint-Affre

En étudiant les rechutes, une équipe du Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (Oncopole) vient de faire un pas de plus dans le traitement des leucémies aiguës myéloïdes.

C’est une révolution, un changement de perspective dans la recherche sur les leucémies aiguës myéloïdes. Pendant des années, les scientifiques ont imputé aux cellules-souches cancéreuses la responsabilité des rechutes dans la maladie (60 % des patients) : elles seraient résistantes à la chimiothérapie et donc à l’origine du retour de la leucémie. Cette affirmation vient d’être rejetée (1) par les travaux du Dr Jean-Emmanuel Sarry du Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (CRCT) en partenariat avec l’Institut universitaire du cancer Toulouse-Oncopole (2).

En travaillant sur un modèle murin (souris), les chercheurs ont montré que, comme les autres cellules, les cellules-souches leucémiques sont détruites par la chimiothérapie. L’équipe s’est alors intéressée aux cellules qu’on ne voit pas au départ. Elle a trouvé des cellules résistantes à la chimiothérapie et dont les mitochondries (les centrales d’énergie de nos cellules) présentent une hyperactivité énergétique qui les rend capables d’affronter les traitements. «Ce sont ces cellules qu’il faut maintenant cibler pour guérir nos patients. Les perspectives sont nombreuses, le potentiel est énorme, il faut que toutes les forces convergent », glisse le professeur Christian Récher, responsable du service d’hématologie à l’Institut universitaire du cancer de Toulouse-Oncopole.

«C’est le fruit de plus de 7 ans de travail. En injectant des cellules humaines malades chez des souris immunodéficientes, nous avons recréé un vrai petit incubateur.

Nous avons greffé les cellules de 25 patients sur ces modèles murins sur le principe de «souris compagnon» : le modèle et le patient ont reçu le même traitement pour un résultat clinique identique. C’est long (3 à 6 mois) et coûteux (100 000 € par an), seuls trois ou quatre laboratoires peuvent faire ça en routine dans le monde », explique Jean-Emmanuel Sarry qui avait utilisé ce concept innovant à Philadelphie avant de rejoindre l’Oncopole en 2010. Le chercheur et son équipe se sont appuyés sur le Centre régional d’exploration fonctionnelle et de ressources expérimentales et sur la force du service d’hématologie de l’Oncopole, lui-même associé au réseau régional Oncomip. Soit une base de données de plus de 1 800 patients et une importante banque d’échantillons.

«La suite ? Caractériser le mécanisme observé dans les mitochondries, appliquer de nouvelles molécules de chimiothérapie à ces cellules, se servir des souris compagnons pour prédire les rechutes chez les patients et développer d’autres molécules », concluent les chercheurs. Ces travaux pourraient également trouver des applications dans d’autres cancers (lymphome, pancréas, prostate) où le rôle des mitochondries est suggéré dans des publications récentes.

(1) Publication dans la revue internationale Cancer Discovery, équipe RESISTAML

(2) Centre de recherche en cancérologie de Toulouse (CRCT, Inserm/Université Toulouse III Paul-Sabatier). Pour faciliter la recherche, le CRCT est relié à l’Institut universitaire du cancer de Toulouse-Oncopole (IUCT-O)

Le chiffre : 3 500

cas par an >En France. On détecte en France chaque année 3 500 nouveaux cas de leucémies aiguës myéloïdes, dont 200 pour l’ancienne région Midi-Pyrénées avec un âge médian de 68 ans.

 

Emmanuelle Rey

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