Les applications du laser en hématologie

Le laser désigne une amplification de lumière par émission stimulée de rayonnement (acronyme de l’anglais Light amplification by stimulated emission of radiation). 

C’est la longueur d’onde qui définit la couleur de la lumière. Autour de 400 nanomètres, on est dans les violets, autour de 700 nanomètres, on arrive dans les rouges. Les valeurs extrêmes vont des rayons gamma (en dessous de 400 nm) aux micro-ondes, ondes radio, etc. (au-dessus de 700 nm). 

La longueur d’onde d’émission du laser va du rouge à l’ultraviolet. Par rapport à un rayonnement lumineux classique, les photons du laser sont alignés et pointent dans la même direction en formant un faisceau étroit. Le laser a donc un rayonnement monochromatique, cohérent, avec une très faible divergence. Il suffit d’observer la lumière rouge d’un pointeur (700 nm) pour le vérifier.

Les lasers sont organisés par classes, en fonction de leur fréquence et de l’énergie ainsi créée. Selon leur classe, ils peuvent causer des dommages plus ou moins importants. Les lasers de classe 4, utilisés notamment en oncologie, dermatologie ou ophtalmologie, peuvent créer des dommages tissulaires importants. Ceux que l’on utilise dans les LLLT (Low Level Laser Therapy/Thérapies de laser basse énergie) sont des lasers de basse intensité (50 à 150 milliwatts/classe 3B) présentant moins de risques de dommages. Ils sont employés pour leurs effets biologiques : lorsqu’on illumine un tissu, on modifie la biologie de la cellule, ce qui permet de la réparer et de régénérer le tissu. 

Ce type de laser a des propriétés spécifiques. Dans l’organisme, l’hémoglobine, la mélanine ou l’eau absorbent la lumière des longueurs d’onde basses. La lumière des lasers infrarouges est en revanche peu absorbée. Les infrarouges ont l’avantage de pénétrer profondément pour réparer des lésions profondes sans générer de chaleur excessive ni brûler les tissus. 

La couleur du laser induit des propriétés biologiques différentes. Selon la longueur d’onde, la lumière ne pénètre pas de la même façon dans les tissus. Les lasers utilisés en ophtalmologie pour tailler la cornée sont des lasers pulsés, extrêmement précis, permettant un travail très net sur la cornée sans effet de chaleur ni destruction des tissus. Il s’agit alors d’une action abrasive. Pour recoller la rétine, on se sert de leur action thermique.

L’hôpital Saint-Louis a été contacté par un fabricant qui lui a proposé de prendre un laser à l’essai. Celui-ci s’était révélé concluant, le service a acquis un premier appareil, puis un deuxième, grâce à EGMOS. 

Le laser peut être utilisé sur tous les tissus de l’organisme qui se renouvellent, dont ceux de la bouche. Il a donc sa place en hématologie, en particulier pour traiter les ulcérations herpétiques ou certaines lésions ponctuelles liées à la GvH chronique, voire la totalité de la muqueuse buccale en cas de lésions diffuses liées à la GvH chronique ou à la mucite post-chimiothérapie. Le laser vient en appoint de traitements plus forts (antalgiques, morphine) ou pas assez efficaces (bains de bouche). 

Au niveau buccal, le laser ouvre à d’autres applications : douleur du visage, lichen plan (GvH), récurrences herpétiques, aphtose buccale, pemphigus vulgaire, sécheresse buccale.

Action sur la mucite 

Dans les cas de mucite, le laser a une propriété à la fois antalgique et cicatrisante. La première semaine de traitement, les séances sont quotidiennes, puis le rythme s’espace (1 jour sur 2). Dès la première ou la deuxième séance, le patient a un ressenti bénéfique sur la douleur, ce qui lui permet de diminuer la consommation d’antalgiques. 

Une étude randomisée de phase III a été réalisée sur des patients ayant reçu une allogreffe ou une autogreffe de moelle. Celle-ci a révélé que le traitement par LLLT (à 650 nm) réduisait à la fois l’incidence de la mucite (20 % contre 60 %) et le niveau de douleur (15 contre 47). Le recours à ce type de laser contribue donc à diminuer les complications associées à la chimiothérapie. 

Une équipe internationale a réalisé en 2013 une méta-analyse visant à vérifier l’impact réel des lasers sur la mucite. Ils ont retenu au final 24 études intéressantes qui concernaient spécifiquement cette question. Après analyse, ils ont conclu que le laser semblait efficace dans cette indication, et ont formulé une recommandation d’exposition à 650 nm, 40 milliwatts et 2 joules/cm2 . 

Action sur la GvH chronique 

Lorsqu’elle affecte la bouche, la GvHc peut être très invalidante : douleur, sécheresse, difficulté à ouvrir la bouche. En dehors des bains de bouche aux corticoïdes, qui ne donnent pas toujours de résultats, les patients ont peu de remèdes à leur disposition. Restent les traitements systémiques, mais ces derniers sont lourds et ont d’importants effets secondaires (hausse du risque d’infection). Le laser est apparu comme un possible traitement complémentaire efficace. 

Le premier cas de GvH chronique traitée par laser remonte à 2001, au Brésil – pays pionnier en la matière. Après 4 jours de séances quotidiennes, le patient avait observé une meilleure ouverture buccale et une augmentation de la salivation. En 2004, une deuxième patiente présentant une inflammation importante de la langue et des lèvres avait constaté une amélioration nette après 25 jours de traitement, à raison 3 séances par semaine. 

En 2016, une étude non randomisée a porté sur des patients souffrant de GvH sévères qui résistaient aux traitements. Après deux séances de laser hebdomadaires pendant 4 semaines, la quasitotalité des patients a observé des améliorations nettes : meilleure ouverture buccale, diminution de la sécheresse buccale, meilleure salivation.

L’utilisation d’un laser exige des précautions particulières : l’emploi de lunettes de protection et le blocage de l’accès à la pièce pour éviter les brûlures accidentelles en cours de séance. 

Le laser se présente comme un long stylo au bout duquel est fixée une fibre optique courbée, permettant d’orienter le faisceau dans la direction souhaitée. Le laser émet en continu sur une longueur d’onde de 638 nanomètres. Une fois indiquée la puissance (en milliwatts) et l’énergie (en joules/cm2), la machine calcule le temps d’exposition nécessaire. Il faut compter entre 15 et 30 secondes par cm2. Traiter l’ensemble de la bouche demande donc une trentaine de minutes (pouvant descendre jusqu’à 15-20 minutes, en fonction de l’expérience de l’opérateur), en agissant cm2 par cm2 . L’action provoque au pire une légère sensation de chaleur, mais est totalement indolore. 

Les LLLT sont bien tolérées, peu toxiques et sont potentiellement efficaces dans de nombreuses complications buccales post-greffe. Elles apportent des améliorations rapides, et ne présentent pas de désagréments (brûlures, sensation de chaud). 


Leurs limites sont plutôt pratiques. En premier lieu, elles réclament du temps, ce qui peut être une source de contrainte pour le patient. Pour être efficaces, les séances doivent en effet être régulières (pour la mucite, des séances quotidiennes de 20 minutes pendant une semaine). Ensuite, elles demandent du personnel, or le nombre de médecins est limité. On peut assez facilement former le personnel médical, notamment les internes : la manipulation de l’appareil est simple et demande surtout d’être méthodique.

Ce site utilise des cookies pour vous garantir une meilleure expérience sur notre site Web.